De bonnes ondes du cosmos jusque dans les salles de classe

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Saviez-vous que nous recevons en permanence de « bonnes ondes » venues du cosmos ? Ce sont les ondes gravitationnelles. Pour comprendre ce phénomène, il faut d’abord revenir à la notion de gravitation. Pendant des siècles, la référence théorique a été celle formulée par Isaac Newton en 1687 : une force attractive qui agit à distance entre les corps. C’est en 1916 qu’Albert Einstein et sa relativité générale bouleverse la science en apportant une nouvelle description de la gravitation. Selon lui, la gravitation se manifeste par la courbure de l’espace-temps, qui peut être vu comme un tissu élastique qui peut se déformer.

Toutefois, cette déformation nécessite des sources d’énergie très importantes, inaccessibles en laboratoire et qui demandent de passer à des échelles cosmiques avec des sources d’origine astrophysique. Lors de la fusion de deux trous noirs, par exemple, ces deux objets accélèrent jusqu’à une vitesse proche de la vitesse de la lumière. Cela entraîne la perturbation de l’espace-temps environnant, créant une vague appelée « ondes gravitationnelles ».

L’observation et l’étude des ondes gravitationnelles font aujourd’hui l’objet de grandes coopérations internationales. De très grands instruments scientifiques, comme les interféromètres Virgo en Italie ou LIGO aux États-Unis ont été construits pour les détecter. 

Vue aérienne de l’antenne de détection des ondes gravitationnelles Virgo (à Cascina en Italie) © EGO-VIRGO/IN2P3/CNRS Images

 

Dans ce type de détecteur, appelé interféromètre de Michelson, une source de lumière est émise et séparée en deux faisceaux par un miroir semi-réfléchissant. Chaque faisceau est dirigé vers l’un des deux bras perpendiculaires, puis se réfléchit en bout de bras par des miroirs pour se recombiner au niveau de la séparatrice. Si rien ne vient les perturber, les deux faisceaux sont en opposition de phase quand ils se recombinent et s’annulent donc. Si au contraire, leur chemin est courbé par le passage d’une onde gravitationnelle causant alternativement une contraction puis une dilatation de l’espace. Cela entraîne une modification de la longueur des bras. Les mesures de variation de distance qui sont opérées sont de l’ordre du milliardième de la taille d’un atome ! Bien qu’elle soit minuscule, de cette perturbation suffit à ce que les deux faisceaux, quand il se recombinent, ne soient plus exactement en opposition de phase. Leur annulation n’est alors plus parfaite, et le signal lumineux qui en résulte peut alors être perçu par un photodétecteur.

Théorie et expérience, deux « mondes » complémentaires

Avant d’être observées, es ondes gravitationnelles ont d’abord été prédites et modélisées. La physique théorique a notamment permis de décrire le type d’ondes produites lors d’événements extrêmes, comme la fusion de deux trous noirs. Ces travaux sont très importants, car ils donnent aux expérimentateurs des pistes et des indices pour guider la recherche du signal attendu et sur comment le reconnaître.

À l’inverse, les résultats obtenus lors des expériences permettent aujourd’hui de modifier et d’ajuster les modèles. Dans le cadre de cette recherche, les physiciens théoriciens et les expérimentateurs collaborent étroitement et avancent de concert.

Ce travail de longue durée a été récompensé par des découvertes scientifiques d’intérêt majeur ! Ainsi, la première observation d’ondes gravitationnelles a été enregistrée le 14 septembre 2015 par les scientifiques de la collaboration LIGO-Virgo. D’autres événements ont été observés ensuite, notamment celui du 17 août 2017, marquant l’observation d’un signal issu de la fusion de deux étoiles à neutrons, qui a été ensuite accompagné d’une multitude de contreparties lumineuses !

Une ouverture au plus grand nombre

La communauté scientifique qui travaille sur les ondes gravitationnelles, le fait avec une optique d’ouverture à la société en partageant toutes les données via le Gravitational wave open science center (GWOSC).

Cette logique de partage de connaissance dépasse le cercle des physiciens . En effet, les équipes ont à cœur de diffuser plus largement la science et ce qu’est leur métier auprès d’autres publics.

Comment ? En faisant par exemple « des trous noirs avec des maillots de bain » ! Au sein du laboratoire Grenoble images parole signal automatique (Gipsa-lab), des scientifiques ont développé d’un démonstrateur leur permettant d’illustrer la fusion de trous noirs grâce à une installation utilisant une toile en lycra simple, peu onéreuse et transportable facilement. 

Démonstrateur permettant d’illustrer par analogie la production des ondes gravitationnelles. Un tissu en Lycra est tendu sur un cerceau de gymnastique. Son centre est maintenu abaissé par un système d’aimants qui créé une dépression, favorisant la convergence du mobile vers ce point fixe. Un capteur piézoélectrique est fixé sur le tissu pour recueillir les vibrations de la toile en direct, qui sont transmises à un ordinateur. © CNRS Alpes

Un mobile (une pièce de monnaie lancée sur sa tranche) est mis en rotation autour d’une dépression au centre du tissu. Le mouvement de la pièce engendre des vibrations dans le tissu, qui déforment le milieu de la même manière que les ondes gravitationnelles déforment l’espace-temps. Un capteur piézoélectrique est fixé sur la toile, qui permet de mesurer en direct les contraintes mécaniques recueilles   par le capteur et de transmettre le signal électrique associé vers un ordinateur. Le signal est visualisé et est alors représenté de sorte à en exhiber les fréquences présentes au cours du temps.

Après un premier test lors d’un événement de médiation scientifique à Paris, les chercheurs de Gipsa-lab ont eu l’occasion de présenter leur prototype de démonstrateur auprès de publics grenoblois. Dans le cadre d’un partenariat entre le CNRS et le lycée Vaucanson, ils sont intervenus auprès d’élèves de classes préparatoires Physique, technologie et sciences de l’ingénieur sur la question du traitement du signal. Les apprenants ont eu l’occasion d’éprouver le dispositif et de discuter de la manière dont on récupère les vibrations de la toile et dont on analyse le signal. Cette étape passe à travers une chaîne de traitement, depuis l’acquisition du signal monde analogique et sa conversion en données numériques qui peuvent être facilement manipulées avec un ordinateur. Le démonstrateur a également été monté lors de la Fête de la science sur le campus Alp’in sciences à Grenoble, durant laquelle les chercheurs de Gipsa-lab se sont prêtés aux questions des familles et des curieux de sciences venus en apprendre plus sur cet objet d’étude que sont les ondes gravitationnelles ! Un autre atelier leur était proposé, pour discuter et analyser les données recueillies par Virgo.

Et parce que les signaux permettent d’extraire de l’information sur les sources qui les ont émises, l’équipe de Gipsa-lab a fait venir pour l’occasion un membre de l’équipe du Laboratoire AstroParticule & Cosmologie avec qui elle collabore dans le cadre du projet RICOCHET financé par l’Agence Nationale de la Recherche. 

Une conférence a été donnée en préambule sur l’astronomie gravitationnelle à travers ses aspects historique et scientifique, donnant quelques clefs de compréhension aux élèves pour le troisième atelier : un atelier de construction d’interféromètre de Michelson ! Sous l’œil attentif du scientifique, ils se sont initiés aux manipulations et aux réglages minutieux que nécessitent les appareils optiques de précision. 

Construction et réglage d’un interféromètre par des élèves de classes préparatoires © CNRS Alpes

Un programme riche, qui a suscité de nombreux échanges entre scientifiques et élèves et qui ne manquera pas d’ouvrir de nouvelles perspectives pour leurs futures orientations.

Et la suite ?

L’actualité de la recherche concernant les ondes gravitationnelles mobilise aujourd’hui beaucoup de scientifiques à travers le monde. Leur étude demeure un enjeu important pour la communauté, car elle permettrait de mieux comprendre la genèse de l’Univers et de quoi il est constitué.

Côté médiation, le démonstrateur profitera probablement de quelques améliorations avant que ses plans ne soient rendus publics, toujours dans une logique de partage de données et de savoir-faire. Une belle occasion pour les personnes qui souhaiteront prendre le relais de la médiation, d’avoir accès à un outil facile à réaliser et qu’ils pourront potentiellement améliorer à leur tour.

En savoir plus :

Ces recherches et cet article ont été financés en tout ou partie par l’Agence nationale de la recherche.